Le sujet n’est pas pour ou contre le port du casque, chacun faisant ce qui lui semble bon pour lui, mais d’apporter des arguments de personnes ayant réfléchies objectivement sur le sujet, afin de proposer ou non l’obligation de port du casque.
Les chiffres de l’insécurité routière semblent repartis à la hausse. Pour rester nettement sous la barre des 4 000 morts par an – n’oublions pas qu’en 1972 on déplorait 18 034 décès sur les routes ! – et surtout, pour continuer à enregistrer des progrès sensibles dans toutes les catégories, d’usagers, le Gouvernement va présenter de nouvelles mesures. Les cyclistes ne constituent pas une catégorie particulièrement problématique : leur exposition au risque continue de diminuer à mesure qu’ils se multiplient en ville et que l’aménagement urbain est plus hospitalier, avec des vitesses abaissées permettant une meilleure cohabitation des modes de déplacement. Ces dix dernières années, l’usage du vélo s’est fortement développé mais ne s’est pas accompagné d’une augmentation du nombre de tués qui se situe autour de 150 tous usages du vélo – sportif, ludique, utilitaire – confondus. Soit entre 3 et 4 % de l’ensemble des tués sur la route.
Le sujet n’est cependant pas à minimiser pour autant : tant qu’il y aura des cyclistes tués et blessés sur la route, la sécurité à vélo devra rester une préoccupation majeure des pouvoirs publics et des associations qui promeuvent le vélo.
Mais l’obligation du port du casque qui ne manque jamais de revenir dans la liste des mesures envisagées n’est pas une bonne solution. Elle n’est pas de nature à agir sur les causes réelles mais à donner aux pouvoirs publics l’impression d’avoir pensé à tout le monde. Et que « ça ne coûte rien ». Or, comme l’ont montré des études portant sur des pays qui ont rendu le casque obligatoire, la mesure coûte : en baisse de l’usage du vélo et en effets indésirables comme le sentiment que le cycliste est moins vulnérable ou le message implicite que le vélo, c’est dangereux.
C’est pourtant la mesure qui revient une énième fois dans les propositions de la Délégation interministérielle à la sécurité et circulation routières. L’obligation concernerait les enfants de moins de 12 ans – qui le portent déjà le plus souvent, dans le cadre scolaire et sportif, dans le cadre d’activités de loisir – et hors agglomération.
Selon l’ONISR (Observatoire national interministériel de la sécurité routière), les traumatismes crâniens affectent surtout les piétons, les automobilistes et, proportionnellement moins, les cyclistes. Il peut être tentant de se dire que le casque obligatoire pour les cyclistes, ça ne coûte rien. Il est pourtant dommage de ne pas aller plus loin dans l’examen des causes et de la diversité des solutions. Parmi ces mesures, les évolutions réglementaires récentes et l’aménagement de l’espace public, qui remettent en question le tout-automobile, disposent désormais d’un retour d’expérience qui établit leur efficacité. C’est le cas, par exemple, de la multiplication des doubles-sens cyclables qui ne s’est pas traduite par une augmentation du nombre d’accidents. Le double-sens cyclable contribue même à baisser les vitesses dans certaines rues ! Le cédez-le-passage cycliste au feu ne se traduit pas par une augmentation des accidents cyclistes en carrefours.
Par ailleurs, les cyclistes ne sont pas plus infractionnistes que les autres usagers de la route.
Les leviers pour améliorer la sécurité des cyclistes sont connus et ont porté leur fruits ces dix dernières années : modération de la vitesse, amélioration de la visibilité des cyclistes, adaptation de l’espace publics aux modes actifs, partage de la voirie… Alors, continuons résolument dans cette direction, bonne pour tous les usagers de la rue. Et agissons sur les causes réelles de l’insécurité routière : la vitesse, l’alcool, l’usage des téléphones portables au volant ! Les cyclistes ne doivent pas porter le chapeau avec des décisions coercitives à côté de la plaque. Mettons plutôt en œuvre les mesures sans cesse repoussées relatives à la cohabitation avec les véhicules à grand gabarit – poids lourds, cars, bus, engins de chantier…- alors qu’elles sont clairement identifiées par la DSCR depuis 2010 et qu’elles figurent même dans la mesure 11 du Plan national d’action pour les mobilités actives de mars 2014 !
Pierre SERNE, Président du Club des villes et territoires cyclables